A la fin du XIIIe siècle, les rois de Majorque décident de dériver le cours de la Têt pour arroser les jardins du palais et faire tourner les moulins des seigneuries installées dans la plaine du Riberal. Une première prise est donc construite, une simple dérivation, en amont de Vinça. Après une crue destructrice, l’ouvrage est reconstruit en contrebas, après Ille sur Têt. Ainsi naissent respectivement ce qui est aujourd’hui le canal de Corbère et le Canal Royal, celui de Thuir. Il semble bien que les Sarrasins soient à l’origine de ce chef-d’œuvre médiéval car le premier nom documenté est « Sequia del Thouir », séquia signifiant par ailleurs « ruisseau » en arabe.

Ce canal a, en grande partie, conditionné le développement de la plaine du Riberal à l’est de la Têt en permettant de planter, parallèlement à la vigne, au blé et à l’olivier, du chanvre et du lin. Il a ainsi contribué à faire de Perpignan, la grande capitale textile et drapière qu’elle a été pendant l’âge d’or majorquin. Grâce au canal, Thuir devient en parallèle une capitale de la poterie connue pour ses càntirs (cruches) et ses cossis (sorte de lessiveuse que l’on posait à côté de la cheminée). Aujourd’hui, le canal conditionne les cultures maraîchères tout en les mettant à l’abri des crues intempestives du fleuve. Une vraie richesse.

Quasiment intact, le canal dessert encore sur 17 km pas moins de 800 usagers, particuliers ou agriculteurs qui y puisent de quoi arroser jardins et propriétés. A l’époque, l’utilisation de ses eaux était régie par des « réguiers », du mot « rec » (ruisseau en catalan) en charge du planning d‘ouverture des vannes dont le réseau est extrêmement complexe. Curiosité locale, ce canal est le seul qui appartienne à une seule collectivité territoriale, à savoir, la ville de Perpignan, à qui il a été attribué par ordonnance royale en 1510 !